Contexte
L'année dernière, notre équipe a été sollicitée pour développer un programme numérique dans le domaine de l'agriculture au Bénin. En raison des contraintes de déplacement liées au COVID-19, nous avons décidé avec notre client de ne prendre aucun risque et de réaliser la mission à distance. Comme beaucoup d'autres organisations, nous avons dû nous adapter et développer de nouvelles façons de concevoir et de gérer les missions de co-création et de co-conception à distance afin d'assurer la productivité de l'entreprise.
Traditionnellement, la conception de programmes dans le domaine du développement international nécessite des missions de cadrage avec des itinéraires de voyage intenses, ce qui non seulement entraîne des coûts financiers, mais génère des quantités importantes de CO2 et contribue ainsi à la crise climatique. De plus, les coûts élevés et les frais généraux des missions de voyage poussent à des séjours courts, ce qui peut affecter négativement la qualité de la recherche et créer des opportunités manquées.
L'un des rares avantages de la pandémie est l'occasion de développer des méthodes de conception de programmes en ligne et à distance. Cependant, la perte de l'interaction en face à face et la dépendance aux outils numériques et aux conditions préalables - telles que des connexions stables - entraînent des difficultés. Cet article est un partage d'expérience et nous espérons que les leçons apprises pourront être utiles à d'autres personnes dans et en dehors de notre secteur.
Inspiration du Design thinking et de la conception centrée sur l'utilisateur
Le Design Thinking est une méthode qui vous fournit une approche basée sur les solutions qui vous permet de résoudre les problèmes. Elle permet de s'attaquer à des problèmes complexes en comprenant les besoins humains en jeu, en recadrant le problème de manière à le centrer sur l'être humain, en réfléchissant à une grande variété d'idées pertinentes et en adoptant une approche pratique pour créer et tester votre produit ou prototype minimum viable. Bien qu'elle soit née dans le monde de la conception de produits, elle a été reprise par des acteurs de l'impact social et du développement international.
La conception centrée sur l'utilisateur (CCU) place l'utilisateur final au centre du processus de conception principe du développement numérique "Concevoir avec l'utilisateur". Comme notre objectif est d'assurer l'impact, ceci est particulièrement important car la spécialisation accrue dans le développement international et la structure du financement approuvé et contrôlé au siège peuvent créer une distance par rapport au terrain - mais ceci est une discussion pour un autre post !
S'adapter à la conception collaborative de programmes
Nous sommes pragmatiques avec la méthodologie et l'utilisons comme source d'inspiration. En résumé, nous pouvons décrire les phases suivantes :
- Comprendre le contexte - c'est-à-dire qui sont les acteurs dans l'espace (analyse des parties prenantes) ? Quelles sont les opportunités et les défis (SWOT) ? Comment se sont déroulées les expériences précédentes avec les technologies numériques ?
- Idéation - Développer des idées pour les options possibles du programme.
- Hiérarchiser les idées, par exemple en fonction de la complexité / de la faisabilité / des coûts / du calendrier / de l'impact, etc.
- Affiner et préciser davantage les candidats (budget, équipe, partenaires éventuels, etc.).
La consultation a lieu à chaque étape. Il est difficile d'appliquer les tests au sens classique du design thinking à la conception de programmes, mais il est possible d'inclure le prototypage d'idées dans le processus d'idéation et de les présenter aux membres des consultations sur la conception de programmes afin de mettre en place un processus itératif.
Capturer la créativité collaborative avec Miro
Miro est une plateforme collaborative et visuelle à distance et dispose d'un tableau blanc qui peut être utilisé à toutes sortes de fins (brainstorming, analyse SWOT, priorisation et catégorisation, etc.) Mural est une autre alternative populaire.
Dans notre travail, nous voyons principalement trois façons d'utiliser ces outils :
Option 1 - Miro comme modèle de tableau blanc physique
Si les conditions ne permettent pas à tous les participants d'utiliser l'outil Miro (en raison d'une mauvaise connectivité ou d'un manque d'électricité, d'une salle très lumineuse), il est possible d'utiliser Miro comme modèle pour que les animateurs sur place recréent les exercices sur place. Dans ce cas, les participants se documentent en utilisant les outils papier traditionnels (cartes, marqueurs). Les animateurs à distance peuvent capturer des informations pendant les phases de rapport. Les animateurs sur site peuvent également prendre des photos des résultats finaux, qui peuvent être numérisées si nécessaire.
Option 2 - Miro comme espace de documentation (mixte)
Il est également possible d'utiliser Miro comme une documentation en direct des résultats des exercices. Les conseillers/animateurs sont connectés à Miro et saisissent les informations recueillies ou expliquées oralement par les participants - bien que le papier puisse encore être utilisé pour que les participants puissent organiser leurs pensées. Cela permet aux participants de suivre la documentation et d'apporter des clarifications, par exemple si un point n'est pas correctement enregistré.
Option 3 - Miro comme tableau blanc collaboratif pour tous les participants
Il est également possible de fournir un accès à tous les participants, ce qui permet d'organiser des ateliers virtuels à 100 % à distance avec des participants situés dans des lieux différents . Bien entendu, cela n'est possible que s'ils disposent des compétences, des équipements et de la connectivité adéquats.
10 leçons apprises
Voici les enseignements que nous souhaitons partager à partir de notre expérience :
1. Comprendre vos contraintes (connectivité, équipement, compétences)
L'animation d'un atelier via un outil collaboratif en ligne nécessite de prendre en compte les aspects de connectivité. Il faut noter qu'en utilisant un outil collaboratif tel que Miro, il est possible d'éviter le partage d'écran qui peut être difficile pour les sites ayant une mauvaise connectivité (la connexion au tableau Miro utilise moins de bande passante que le partage d'écran). Le niveau de culture numérique des participants influencera leur capacité à participer efficacement, soyez donc conscient des limites de cette compétence et des biais qu'elle peut introduire ! La meilleure façon de s'en rendre compte est de faire une rapide réunion préalable et de tester les outils que vous souhaitez utiliser.
2. Inclure les utilisateurs finaux dans le processus de conception
Nous sommes souvent surpris de constater que nous devons encore insister sur ce point dans notre travail. Appelez cela la conception centrée sur l'humain, le principe de "conception avec l'utilisateur" - l'inclusion des utilisateurs finaux dans le processus de conception est essentielle pour concevoir un impact. S'il n'est pas possible d'inclure les utilisateurs finaux, il faut au moins prévoir des outils qui permettent de prendre en compte leur point de vue, par exemple en développant des exercices de persona pour les différents utilisateurs finaux.
3. Adapter l'horaire au travail à distance et virtuel
Lorsque vous organisez des ateliers en présentiel, il est beaucoup plus facile de réunir l'équipe après la journée de travail pour la préparation, le débriefing, la discussion des idées et la synthèse. Il est également plus facile de recueillir des informations supplémentaires. Par conséquent, le calendrier d'une mission virtuelle sera souvent plus long que celui d'une mission en face à face. Bien que cela puisse être perçu comme un inconvénient, cela permet également de disposer de plus de temps pour la révision et de réduire la fatigue des participants et de l'équipe.
4. Utilisez des images et d'autres médias pour vous faire connaître et faire connaître les participants.
Il est facile de perdre la compréhension du contexte dans un environnement de travail à distance. Pour y remédier, vous pouvez demander aux participants de partager des photos avec vous avant l'atelier. Une autre solution consiste à demander à chaque participant de se présenter en montrant une vidéo spécifique de son environnement de travail typique. C'est également un excellent exercice d'échauffement !
5. Inclure des instructions d'exercice claires
Nous recommandons que les instructions pour chaque exercice soient incluses dans le matériel, et nous présentons généralement une diapositive avec le but, les étapes et le timing de chaque exercice. Il est également utile d'inclure toute information permettant de former des groupes si nécessaire. Il est également important de donner le contexte de la mission globale et la façon dont un exercice s'y rapporte - rien de pire que des participants ne sachant pas pourquoi on leur demande de faire quelque chose.
6. Se concentrer sur des exercices simples
La simplicité des exercices maximise la participation et facilite également la documentation. En particulier lorsque nous avons commencé à utiliser les outils, nous avons rendu les exercices beaucoup trop ambitieux ! La flexibilité d'outils comme Miro permet toujours d'ajouter des informations plus tard - par exemple après un rapide 1:1 pour approfondir - nous recommandons donc de commencer simplement et d'évoluer selon les besoins.
7. Soyez réaliste en ce qui concerne le temps
L'atelier à distance exige que vous prévoyiez le temps nécessaire à chaque activité et que vous vous y teniez. Il est donc important de planifier pour éviter de manquer de temps ou d'avoir des exercices inachevés par manque de temps. Veillez également à prévoir des pauses et à inciter les participants à les prendre réellement - il est très facile de se laisser distraire par sa boîte de réception ou d'autres tâches urgentes.
8. Avoir un facilitateur sur place comme allié
La présence d'un allié sur place vous permet de prendre la température de la salle, de savoir s'il y a des doutes sur la compréhension ou si l'attention des participants diminue et si une pause ou une répétition des instructions est nécessaire. Idéalement, votre allié doit être au courant des exercices prévus. Dans notre cas, notre client a désigné un membre dynamique de l'équipe qui a même appris Miro tout au long du processus et a aidé à la documentation !
9. Débriefing après les ateliers !
Même une brève séance de débriefing permet de collecter les points positifs/négatifs afin d'améliorer les séances suivantes, et donne à vos animateurs la possibilité de s'approprier le processus. Chaque groupe a une dynamique différente, et l'agilité est essentielle ! Il est plus difficile de mesurer le succès d'un atelier à distance, aussi veillez à inclure une évaluation rapide.
10. Revoir les contributions peu après les échanges
Avez-vous déjà dû revenir en arrière et revoir les notes d'un atelier qui a eu lieu il y a plusieurs semaines ? Si possible, relisez les notes de l'atelier directement après la discussion. Les animateurs seront en mesure d'apporter les éléments manquants avec un souvenir frais des discussions. Pour faciliter la documentation, il est possible de prendre des photos des post-its ou des tableaux blancs classiques utilisés dans la salle, voire d'utiliser un enregistrement audio dans les ateliers où les discussions sont nombreuses.
Conclusion
Pour nous, l'utilisation d'une méthodologie inspirée du design thinking et d'un outil collaboratif comme le Miro a démontré qu'il est tout à fait possible de mener à bien ce type de projet de cadrage et de conception de programme à distance en tirant parti des outils collaboratifs.
Les facteurs clés de succès des ateliers à distance sont une bonne préparation, une collaboration efficace avec les alliés sur place et l'agilité du processus. Les processus créatifs peuvent donner des résultats inattendus ou prendre une direction qui n'était pas prévue par les animateurs et le client, d'où l'importance d'une communication étroite et de l'agilité.
Bien sûr, certains éléments ne peuvent être remplacés par des outils virtuels et une immersion totale, mais en faisant de notre mieux pour atténuer les inconvénients, nous pensons qu'il sera possible d'éviter de nombreux déplacements à l'avenir, et donc d'avoir un impact positif sur les émissions de CO2 et l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
Quelles sont vos expériences en matière d'organisation d'ateliers de conception à distance ? Êtes-vous d'accord avec nos recommandations ? Partagez vos expériences !
